Une jeune femme cherche à donner cinq bébés chats sur un site romand d’annonces gratuites. Un homme prétend vouloir les adopter. Mais c’est pour mieux les revendre — cent francs! — sur le même site. Une pratique aussi courante que légale, déplore la SPA.
C’est l’histoire de chatons dont la jolie frimousse permet à des individus peu scrupuleux de gagner quelques centaines de francs. Premier acte en septembre, dans une maison de Châtonnaye, à la frontière entre Vaud et Fribourg. La chatte de Valentine Fasel met bas et donne vie à cinq bébés blancs et roux. La jeune femme cherche alors à les faire adopter «contre bons soins». A cet effet, elle utilise un site romand de petites annonces gratuites. Les acquéreurs se bousculent au portillon et une semaine plus tard, les cinq chatons ont tous trouvé preneurs. Un homme, domicilié dans la Broye, se montre particulièrement intéressé et en réserve deux.
Valentine mène l’enquêteQuelques jours après, Valentine enregistre un premier désistement. Elle place une nouvelle annonce, et cinq minutes plus tard, l’homme de la Broye la contacte à nouveau. «C’est pour faire une surprise à ma sœur», explique-t-il à la jeune femme soudain méfiante. Ses doutes se transforment en stupéfaction lorsqu’elle découvre que son interlocuteur s’apprête à mettre en vente les mêmes chats, pour 100 francs chacun, sur le même site. Elle crée alors un nouveau compte avec un autre pseudonyme et prétend donner deux nouveaux chatons. Le Broyard mord à l’hameçon et se manifeste quelques minutes plus tard. Furieuse, Valentine prend son téléphone et accuse l’homme de trafic de chats et d’abus de confiance. Dans la foulée, elle contacte le site de petites annonces pour le dénoncer. Les responsables du site bloquent le compte du Broyard et encouragent la jeune femme à déposer une plainte auprès de la Société vaudoise pour la protection des animaux (SVPA), ce qu’elle fait.
De surprise en surpriseMais Valentine n’est pas au bout de ses surprises. Après avoir rédigé une nouvelle annonce pour placer les deux chatons initialement promis au Broyard, un couple du Chablais valaisan se manifeste. Après une petite enquête, la jeune femme découvre sans tarder qu’ils ont eux aussi l’intention de revendre les chatons pour 100 francs; elle alerte la SPA valaisanne. «Les animaux ne sont pas des objets! Le problème, c’est que les utilisateurs de ces sites internet peuvent sans problème se créer de nouveaux comptes et continuer leur trafic en toute tranquillité. C’est tout à fait inadmissible», tempête-t-elle.
Un marché lucratifSi, sur internet, certains vendent les chatons de gouttière non vaccinés ni vermifugés, d’autres revendeurs invoquent les frais de vétérinaires pour justifier leurs tarifs. Une somme qui varie entre 30 et 60 francs, indique-t-on à la SVPA. «Ce phénomène de revente sur la Toile n’est malheureusement pas nouveau, les gens sont de plus en plus culottés», déplore Stéphane Crausaz, en charge de la communication. A la SVPA, on condamne la démarche sans pouvoir l’interdire: «Il n’y a rien d’illégal, tant qu’un contrat stipulant que le chaton n’est pas destiné à la revente n’est pas signé. Mais il s’agit d’une tromperie vis-à-vis de la personne qui a placé ce chat et fait confiance à celui a prétendu l’adopter. Pour des raisons éthiques et afin d’éviter les arnaques, nous déconseillons d’acheter des animaux sur internet.»
Après la drogue et les armes, le trafic d’animaux est le plus lucratif au monde. Il y a quelques années encore, des individus peu scrupuleux cherchaient à faire leur marché au refuge de Sainte-Catherine, sur les hauts de Lausanne. «Ils venaient dans un but commercial, nous les avons repérés et chassés.»
Pas de chats par La Poste, mais des souris oui…S’il est facile d’adopter ou d’acheter un chaton sur internet, il n’est pas possible de se le faire livrer par La Poste. Dans notre pays, l’expédition postale de chiens et de chats est en effet interdite.
D’autres petits animaux, rongeurs, oiseaux ou reptiles, peuvent en revanche voyager par Courrier Express. Leur poids ne doit pas excéder 15 kilos – 20 kilos pour les colonies d’abeilles – et les bêtes être enfermées dans des conteneurs «spacieux, solides et propres», munis d’ouvertures. L’expéditeur du colis a par ailleurs l’obligation d’avertir le destinataire de l’arrivée du paquet à quatre pattes.
«L’animal est plongé dans un environnement inconnu, entouré de bruits insolites et soumis à des mouvements qu’il ne commande pas», constate La Poste, qui a édicté des règles strictes pour ces transports particuliers. Des directives établies sur la base de la loi fédérale sur la protection des animaux.
RAPHAËL DELESSERThttp://www.24heures.ch/vaud/gare-trafic-chatons-gouttiere-internet-2008-11-18