La mode est aux bijoux « naturels ». Partout pullulent, pendentifs en bois, bracelets en nacre, perle en corail, ... Les commerçants et pas seulement les bijoutiers, vous encensent de « matières nobles, pour un bijou d'exception », mais à quel prix ? Question bijou d’exception, tous ne mentent pas, mais attention au mauvais jeu de maux ! Un bijou « naturel », cela signifie, à mon avis, qu’il est beau, original mais qu’il a aussi un impact limité sur l’environnement. Ce n’est certainement pas un bijou qui a servit d’alibi : pour abattre des espèces protégées animales et/ou végétales, pour surexploiter les fonds marins, pour détruire tout un écosystème, ... Un peu d’éthique est le moins que l’on puisse faire pour un bijou « naturel et d’exception ».
Voici quelques exemples de matières pour lesquelles il est nécessaire d’être vigilants :
Les Bois précieux et semi-précieuxDix années ont suffi pour amputer la forêt tropicale d’une surface équivalant à trois fois celle de notre pays. A l’origine de ce massacre, le commerce des bois précieux, destinés aux marchés internationaux, ..., dont la France. 80% des forêts originelles de la planète ont déjà disparu et la forêt tropicale ne couvre plus que 2% de la surface du globe.
La planète compte plus de 60 000 espèces d’arbres, mais 8 000 sont d’ors et déjà menacées de disparition. À l’état sauvage, très peu sont réellement protégées : sur les 28 000 espèces végétales dont le commerce est réglementé par la
CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), seule une trentaine concernent des arbres.
Par exemple, au Cameroun et dans le bassin du Congo, le WWF évalue à 50 % le bois illégal exporté. En Indonésie, selon
Les Amis de la Terre, le problème est chronique et concernerait 90 % de la production. Pour lutter contre ce fléau écologique et social, c’est à la fois aux gouvernements locaux d’agir, à l’Union européenne, aux importateurs mais aussi aux consommateurs d’être vigilants… Et de préférer des bois non précieux ou mieux, issus de leur propre continent !
A nous aussi de préférer
les labels qui entendent garantir une gestion durable des forêts, comme les labels PEFC ou FSC (Forest stewardship Council). Les bois sont certes 25 à 30% plus cher à l’achat, mais c’est le prix à payer pour le respect de la planète.
La nacreLa nacre est le revêtement intérieur de certains coquillages (ormeau, huître, moule, patelle, ...), aux reflets irisés, utilisée depuis l'Antiquité. Au Moyen-Age, elle était appelée "coquille de perle" et servait à fabriquer de luxueux objets. Aujourd’hui c'est un produit recherché pour la décoration, la confection de bijoux ou de boutons, au point que certains coquillages tels que les ormeaux ont localement disparu. Cependant à ce jour, quelques espèces sont élevées pour leur nacre, à l’acheteur potentiel de demander la provenance de ses futurs bijoux.
Le corailLes chiffres sont sans appel. Aujourd’hui, 10 % des récifs coralliens de la planète sont morts et 60 % sont voués à disparaître dans les années à venir, si l’homme ne gère pas mieux ses activités polluantes et ses prélèvements. Rien que pour le corail rouge, le plus prisé en bijouterie, on estime que la quantité annuelle pêchée en Méditerranée est de 70 tonnes (
FAO). Sa haute valeur économique, ou tout simplement son attrait sur les plongeurs amateurs a provoqué la surexploitation des zones de faibles profondeurs.
Aujourd’hui, la majorité de la pêche à but lucratif est effectuée en scaphandre autonome, un plongeur pouvant collecter ainsi jusqu'à 200 à 300 kg annuellement en 200 plongées environ, mais cette méthode apparaît beaucoup plus sélective. Le corailleur ne voulant pas détruire le banc de corail qu'il exploite, ne ramassera que les grosses branches (supérieures à 7 mm de diamètre) dont la valeur marchande est plus importante.
Malheureusement, de nouvelles techniques de bijouterie permettent, à partir de fragments de squelette réduit en poudre, de reconstituer, grâce à des résines synthétiques, un morceau de corail. Ces méthodes risquent rapidement de provoquer le ramassage des colonies de petites tailles, jusqu'ici non commercialisables.
Pensez à exiger un certificat d'authenticité afin que vos coraux montés en bijou soient récoltés à la main (pêche sélective) et soient non reconstitués.
L’ivoireL’ivoire revient également et malheureusement à la « mode » ! Mais du fait du déclin des populations d'animaux producteurs, l'import et la vente d'ivoire est interdite ou sévèrement réglementée dans de nombreux pays. Il existe un moratoire sur le commerce de l'ivoire depuis 1990. En aparté, il faut savoir qu’actuellement l'ivoire fossile de mammouth, abondant en Sibérie, est vendu et sert de remplacement à l'ivoire d'espèces actuellement vivantes ! Mais il existe également des produits de substitution avec l’ivoire végétal, ou Tagua ou Corozo, qui gagne en popularité bien que les dimensions des graines utilisées limitent leurs usages.
L’ivoire peut donc être accepté par toute écologue en herbe mais attention il faut préconiser l'utilisation du substitut naturel nommé "Ivoire végétal", et issu du commerce équitable.
Voilà une facette des bijoux que vous ne connaissiez peut-être pas, et encore toutes les questions n’ont pas été abordées : les bois utilisés sont-ils polis et traités avec des produits naturels ? Les colliers sont-ils montés sur des fils en cuir ou en nylons non traités ? ... Après la malbouffe, à nous de combattre notre boulimie et de rationaliser nos achats.
Rappel de quelques exemples de bois précieux et semi-précieux : ébène, palissandre, acajou, amarante, bois de rose, bois de violette, teck, ...