Le Centre Africain pour la biosécurité (ACB), avec l’appui de l’association suisse de la Déclaration de Berne, a déposé un recours contre l’attribution d’un brevet au groupe pharmaceutique Dr. Willmar Schwabe par l’Office européen des brevets. Celui-ci garantit à l’entreprise allemande l’exclusivité à l’échelle européenne de l’utilisation d’une plante curative à des fins médicales spécifiques. Représentant un marché conséquent, le pélargonium (1), reconnu pour ses propriétés antimicrobiennes et expectorantes (2), est effectivement prescrit dans le traitement de bronchites et de gênes respiratoires. Dotée en outre d’une capacité immunostimulante, cette plante est également utilisée comme médication contre le Sida et la tuberculose.
Cet acte vient compléter un précédent brevet, validé en juin 2007, lequel identifiait le groupe allemand comme l’initiateur des méthodes d’extraction des substances médicinales contenues dans les racines du pélargonium, usurpant les techniques ancestrales locales. Lui était également accordé, pour une durée de 20 ans, le monopole en matière de fabrication et de certification de la matière naturelle récoltée.
L’adjonction de ce nouveau brevet place Schwabe à la tête du marché issu de l’exploitation de deux espèces de pélargonium, le pélargonium sidoïdes et le pélargonium réniforme. En détenant 74% des actions de la compagnie d’extraction Parceval, il permet à son fournisseur de régner en maître sur la filière. Attiré par les gains exponentiels générés par la vente aux pays européens, ce dernier destine la grande majorité de sa production à l’export, délestant les populations locales de leur patrimoine naturel.
Au cours des dernières années, les prix du produit phare de Schwabe, le sirop Umckaloabo, ont explosé. Alors que 100 millilitres de ce médicament sont vendus 30,68 € en Allemagne, une compagnie locale concurrente, Bioharmony, produit un sirop contre la toux accessible sur le marché sud-africain pour 4,35 €.
Le phénomène se vérifie également pour la plante non transformée. La communauté africaine Alice, dont la vocation est de fournir des médications végétales aux populations défavorisées, paie entre 0,24 et 1,21 € le kg, le même kilo étant revendu 80,56 € à l’export.
Pour soutenir ce commerce florissant, la pression sur les réserves en pélargonium est de plus en plus forte, allant jusqu’à mettre en péril la survie des deux espèces végétales. En juin 2006, le Ministère du développement économique et des affaires environnementales d’Afrique du Sud avait imposé un embargo temporaire sur la récolte et l’exportation de ces plantes. Mais il avait eu l’effet inverse de celui escompté, favorisant l’exploitation illégale.
Pour dénoncer la délivrance de ce nouveau brevet perçue comme une aberration, l’ACB et la Déclaration de Berne invoquent la Convention sur la diversité biologique (CDB), traité international adopté lors de la Conférence des Nations unies pour l’Environnement et le Développement (UNCED) à Rio de Janeiro en 1992. Celle-ci concède aux peuples autochtones le droit à un « partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles intéressant la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable de ces éléments ».
En bravant les « droits souverains » de l’Afrique sur son patrimoine naturel, Schwabe place l’Allemagne dans une situation inconfortable. D’autant plus inconfortable qu’elle s’apprête à accueillir du 19 au 30 mai la 9e Conférence des Etats Parties à la CDB. Une rencontre qui s’annonce riche en débats alors que des négociations doivent être engagées concernant les mesures à prendre pour prémunir les Etats détenteurs de richesses biologiques contre l’appropriation illégale de ressources naturelles, symboliquement appelée « biopiraterie ».
1- Contrairement aux idées répandues, le Pélargonium n’est pas une espèce de géranium. Il fait partie de la famille des géraniacées, dont fait également partie le géranium d’où l’amalgame véhiculé.
2- L’expectoration consiste à rejeter par la bouche les mucosités prisonnières .
Cécile CassierSource Univers Nature Je trouve ça totalement injuste
et après on nous parle de commerce équitable