dans les abysses du sud-ouest Pacifique, des poissons, des crabes, des astéries (étoiles de mer), des anémones et des spirographes (vers annelés) vivent par 5200 m de profondeur dans un milieu hyperdense porté à une température de 350°C. Ces organismes supportent une pression de 525 kg/cm2 qui réduirait n'importe quel organisme terrestre à l'épaisseur d'une feuille de papier ! Paradoxalement, si ces êtres sont remontés à une température et une pression “normale”, ils meurent en quelques heures...
Ce milieu si particulier rassemble plus de 350 espèces animales, y compris des poulpes dont les tentacules sont palmées ou disposant de nageoires géantes. Jusqu'à plus de 5000 m de profondeur, des chaluts ont prélevés des organismes gigantesques, des crabes araignées (Pycnogonide) et des crustacés (Galathées) de 20 cm d'envergure ou des bivalves (Calyptogena magnifica) de 30 cm de diamètre. Plus bas encore, les expéditions du Galathea au début des années 1950 ont permis de remonter des organismes qui vivaient à plus de 10000 m de profondeur.
Finalement on retrouve dans les profondeurs des mers une symbiose entre bactéries, invertébrés et macrofaune qui conduit à une vie autonome, totalement indépendante du rayonnement solaire au-delà de 100 m de profondeur. La découverte de cette faune originale témoigne que la vie put apparaître dans les océans, où l'environnement n'était pas agressé par le rayonnement ultraviolet. Des sources hydrothermales offrant des conditions physico-chimiques multiples nous rappellent que ce milieu est celui du laboratoire naturel de la vie, un milieu unique qui n'a fondamentalement pas varié depuis 3.7 milliards d'années, époque de sa formation.
Au-delà de 500 m de profondeur l'effet de la pression conjugué à la subsistance ont conduit ces organismes à ralentir toutes leurs fonctions métaboliques, la respiration et les mécanismes enzymatiques. Requins et raies par exemple ont perdu leur agilité et évoluent lentement sans faire trop d'efforts.
La nourriture étant relativement rare, la gueule des poissons abyssaux est devenue une arme redoutable. Ainsi les dents de la baudroie sont acérées et reculées dans sa gueule de façon à bien maintenir sa proie. La gueule de l'Eurypharynx et du Chauliodus sloani (poisson vipère) est hypertrophiée et deux dents très acérées pointent en avant, de véritables vipères des abysses. Tout progrès a cependant son revers. Pour les prédateurs la lumière présente dans les abysses signifie qu'il y a de la vie et donc de la nourriture. Les animalcules photolumineux sont donc des proies faciles et nous serions tenté de leur dire : pour survivre vivez cachés.
Pour survivre dans l'obscurité des abysses, la faune a dû se spécialiser. Tous les prédateurs par exemple ont développé un éclairage de secours, conservant des bactéries photoluminescentes dans des appendices (Melanocetus ou poisson lanterne) ou sous leur épiderme (Argyropelecus ou poisson hache). Cette surprenante adaptation se retrouve dans toute la faune, du poisson abyssal au zooplancton
Plus étonnant encore, certaines espèces de crevettes[5] telle Rimicaris exoculata n’ont pas d’yeux mais des sortes d’ocelles sensibles au rayonnement proche infrarouge des fumeurs abyssales. La physiologie sensorielle de cette crevette est extraordinaire et sa nature reste encore inconnue.
Il n’y a pas si longtemps encore, on n’imaginait pas que la vie puisse se développer sans photosynthèse bactérienne. Depuis la découverte des lueurs hydrothermales ces idées préconçues ont été balayées. Des calculs ont démontré que les lueurs émissent par les fumeurs pouvaient produire assez de lumière pour assurer une photosynthèse, même si le processus est plus lent. Si de telles bactéries existent, on pourra en déduire que la vie n’est pas seulement tributaire du Soleil mais qu’elle peut parfaitement évoluer dans les profondeurs des océans ou des grottes englouties, où la vie a put apparaître.
Cela dit, l’eau de mer absorbant fortement la lumière, il est possible que ces bactéries périssent si elles s’écartent de plus de quelques centimètres ou de quelques millimètres des évents. C’est un véritable problème scientifique car la température de ses fumerolles est quatre à cinq fois supérieure aux tolérances maximales des bactéries photosynthétiques. Le gradient thermique peut varier de 350°C sur quelques centimètres de distance. Malgré tout, dans ce milieu extrême, il existe des havres de paix peuplés de créatures étranges aux pouvoirs extraordinaires
voici le poisson vipere et le poisson hachette