Pour satisfaire une agriculture céréalière intensive, les agriculteurs installés en Poitou-Charentes ponctionnent massivement dans les réserves en eau déjà largement fragilisées de la région. Financées par des fonds publics, ces retenues d’eau prélèvent en hiver, dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, dans l’intention d’irriguer les cultures une fois survenue la sécheresse estivale.
Si le système semble en théorie inoffensif, il apparaît que les seuils de débit minimal des cours d’eau autorisant les prélèvements hivernaux sont bien trop bas pour permettre aux réserves de se recharger de manière satisfaisante avant la venue de l’été. D’après l’Observatoire Régional de l’Environnement Poitou-Charentes (ORE), « En Poitou-Charentes, les besoins en eau d’irrigation d’une culture peuvent être de l’ordre de 800 m3/ha/an pour des prairies à 2 500 m3/ha/an pour du maïs. Cela représente environ entre 7 et 21 fois plus que la consommation annuelle d’une famille de 4 personnes, estimée en moyenne au niveau national à 120 m3/an/famille ». Fixant pour sa part la moyenne de l’apport en eau par hectare de culture aux environs de 1 000 m3, la fédération régionale Poitou-Charentes souligne la dangerosité de voir se multiplier le nombre de retenues, tout particulièrement lorsque celles-ci puisent au sein d’un même bassin.
Une situation pour le moins problématique, aggravée par le maintien de seuils de prélèvement minimaux dérisoires. A titre illustratif, dans la Vienne, tout prélèvement dans le cours d’eau du Clain est autorisé dès que son débit atteint les 4 m3/s. Or, si ce quota est correct en été, il est largement insuffisant en période hivernale.
Plus inquiétant encore, les agriculteurs agissent avec le total consentement des pouvoirs publics, ces derniers assumant à mesure de 70 % les financements des retenues d’eau à destination des parcelles agricoles. Pour valider ces projets, ils se réfèrent à des études d’impact environnemental souvent négligées, minorant les répercussions à court, moyen et long termes de la surexploitation de ressources aquatiques restreintes.
Si aucune mesure n’est prise pour réguler les prélèvements effectués, la combinaison associant une diminution des stocks d’eau disponibles à une hausse des besoins pourrait rapidement conduire à une impasse. En effet, lorsque l’eau n’est pas détournée au profit des cultures, elle subvient aux besoins en eau potable des populations locales. Elément vital à toute forme de vivant, l’amenuisement des réserves en eau douce affecte aussi une multitude d’autres secteurs dont l’ostréiculture dépendante de l’alimentation en eau douce pour assurer un bon développement aux huîtres qu’elle produit.
En perturbant un cycle de l’eau complexe et instable, les pratiques agricoles intensives en vigueur en Poitou-Charentes desservent tout à la fois les populations locales et les milieux naturels ambiants. A plus longue échéance, elles finiront par se mettre elles-mêmes en difficulté en empêchant aux réserves en eau de se reconstituer. Or, à l’heure actuelle, tout indique que nous tendons vers ce scénario. Si l’on croit l’ORE, les prélèvements d’eaux au cours de ces vingt dernières années dans la région auraient nettement augmenté, principalement au profit des activités agricoles. Au regard de quoi, les débits des cours d’eau sont de plus en plus faibles en été, et ce, pendant des périodes de plus en plus longues.
Un constat alarmant alors que l’agriculture accapare 69 % de la surface régionale de Poitou-Charentes, avec une prédisposition pour la culture du maïs particulièrement gourmande en eau.
source:
http://www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=3449