Par Isabelle WESSELINGH AFP - Dimanche 17 août, 12h59 CALANQUE DE PONTEAU (AFP) - Au coeur d'un des plus grands complexes pétrochimiques d'Europe, près de Marseille, entre raffinerie, torchères et centrale thermique, l'improbable calanque de Ponteau garde un goût de "paradis" pour ses vacanciers et résidents.
Loin des images idylliques des calanques de Méditerranée avec leurs eaux turquoises et leurs chemins d'accès entre collines et pinèdes, l'arrivée à Ponteau (commune de Martigues) se fait par une zone industrielle aux forts relents de produits pétroliers.
A un rond-point, trois directions: station d'épuration à droite, Naphtachimie, société spécialisée dans les dérivés du pétrole à gauche et Appryl, producteur de polypropylènes tout droit. Après la rue du Marécage, le visiteur tombe sur la Calanque de Ponteau.
Des deux côtés de "l'Allée du bord de mer", une cinquantaine de "cabanons" et de maisonnettes proprettes aux volets peints dans différents tons de bleu, font face à la Méditerranée. Des pieds de tomates poussent entre les maisons, des barques mouillent dans le petit port et les chats se prélassent sur les fenêtres.
On en oublierait presque les torchères qui se détachent au bout de la courte avenue Brigitte Bardot.
Les "cabanons" de Ponteau sont au coeur d'un périmètre à hauts risques classé Seveso II en raison de la présence d'industries dangereuses et des risques pour la santé publique en cas d'accident.
Des dangers qui laissent les habitués de Ponteau indifférents.
"Si ça explose, les villes de Lavéra et de Martigues et même Marseille seront rayées de la carte, alors...", dit un pêcheur.
Gilbert Ribeyron dont les arrières grands-parents ont été les premiers à avoir un cabanon, au début du XXe siècle, rappelle que les industries se sont installées bien après les pêcheurs et les ouvriers.
"On a des vents dominants favorables, on risque rien ni pour les odeurs, ni pour les gaz lourds", dit-il.
"Quand on regarde vers la mer, c'est beau. On voit pas la raffinerie. Il ne faut pas se retourner", dit une voisine.
Karine, une concierge d'école belge, concède que la raffinerie à côté de la calanque, "ça fait drôle la première fois". "Mais ça nous préserve de la foule. Ici c'est un havre de paix, pas de délinquance, les enfants jouent tranquilles dehors, la mer est belle, on pêche, on fait des repas ensemble", ajoute cette mère de deux enfants qui vient "pour toutes les vacances".
"C'est le coin de paradis de certains. Mais ils sont dans un périmètre dangereux et tôt ou tard, les cabanons seront amenés à disparaître", affirme le maire de Martigues, Paul Lombard.
La préfecture des Bouches-du-Rhône souligne que la construction de ces cabanons "n'a jamais été autorisée". En revanche, une procédure pour les faire détruire pour occupation du domaine public maritime a été rejetée par le tribunal administratif. Un appel est en cours.
"Les industriels avancent mais ils ne nous feront jamais partir comme ça, sans rien", dit Vincent Violet, chauffeur pour handicapés de 58 ans, très attaché à la maisonnette achetée par sa grand-mère et pour laquelle il paie "taxes foncière et d'habitation".
Maurice Martin, retraité de l'Ain qui pose son camping-car à Ponteau tous les étés voudrait que ce "coin de liberté" demeure: "De l'Italie à l'Espagne, tout est bétonné, réglementé, au bord de mer. Heureusement qu'ici, il y a des raffineries, ça permet qu'on nous fiche la paix. On veut nous faire payer partout pour les vacances".