On connaissait le très contreversé "shark feeding". Il y a désormais le
"shark finning" C'est le dernier sport en vogue en Polynésie française : massacrer les requins pour prélever leurs ailerons revendus à prix pharoniques sur les marchés asiatiques.
Pays mis à l'honneur cette année, la Polynésie fait rêver les plongeurs. Du monde entier, on vient sur le territoire pour y voir "du gros" : dauphins, raies manta, tortues, requins... Dans l'archipel des Tuamotu, un atoll est particulièrement riche en faune pélagique : Rangiroa, "ciel immense" en tahitien. Un lagon bleu émeraude qui pourrait contenir l'île de Tahiti, deux passes (Tiputa et Avatoru) ouvertes vers l'Océan où les plongeurs dérivent en admirant les requins gris (raira), les grands requins marteaux (taumata roa), les requins à aileron blanc de récif (tapete), les requins à pointe noire (mauri) , les requins à aileron blanc du lagon (mamaru), les requins citron (arava)...
Paradis pour les palmipèdes ? Paradis pour les cinéastes ? Oui, hier. Des générations ont rêvé devant les bancs de raira de la passe de Tiputa. Mais aujourd'hui, la situation est bien différente. Filmer les squales morts est devenu aussi facile que de les filmer en vie, longilignes et puissants, racés et fuselés, sortant du bleu, avec le regard inquisiteur.
Sur les thoniers qui s'arrêtent ravitailler à Rangiroa, moins de thons, car "les stocks s'épuisent ", reconnaissent les pêcheurs. Mais plus d'ailerons de requins. Les marins arrondissent leurs fins de mois facilement en dépouillant les squales et classent les ailerons par type de requin, chaque espèce ayant une échelle de prix prédéfinie.
Si un des pêcheurs semble prendre du plaisir à achever "d'un coup sur la tête" un requin pris sur les palangres, un autre avoue achever les animaux à demi morts mais rejeter les vivants "parce que les requins sont utiles à l'écosystème". Les images défilent. Un requin est balancé en sang sur la palanquée de plongeurs et Rachel filme la bête qui coule inexorablement dans les abysses, privée de ses appendices. A terre, des hommes découpent des requins citrons, sans même se cacher. La législation qui devait interdire cette pratique n'a pas été voté, les élections territoriales ayant stoppé net l'élan en faveur des squales. Les pêcheurs sont des électeurs, les gouvernement encourage la pêche hauturière, alors que les touristes-plongeurs ? ? ? Certains pays ont compris, comme les Maldives ou les Bahamas qu'un "requin vivant rapportait 1000 fois plus qu'un requin mort" surtout si le raisonnement s'effectuait sur le long terme.
A Rangiroa et ailleurs en Polynésie, le commerce se fait au grand jour. Des affiches indiquant les tarifs, la façon de procéder pour le séchage des ailerons et leur conservation ont été placardées partout sur le territoire à tel point que les clubs de plongée du GIE (groupement d'Intérêt économique) ont fermé leurs portes une journée en signe de protestation, au printemps dernier.
C'est à se demander comment le maire d'un atoll comme Rangiroa, qui ne doit sa notoriété qu'à la plongée, qui ne s'est développé (pensions de famille, magasins, route, rotations aériennes) que par la plongée a pu laisser une telle affiche en vue dans un bâtiment administratif officiel ?
Les ailerons atterrissent dans les échoppes de Singapour et de Hong Kong. Là bas, les soupes d'ailerons sont très convoitées et le marché chinois est en pleine expansion. Peu d'asiatiques sont familiarisés avec l'écologie des requins et rares sont ceux qui ont connaissance du danger que représenterait leur disparition potentielle.
Si la demande est exponentielle, l'offre ne l'est pas. Du fait du faible taux de reproduction des animaux, et de leur très tardive maturité sexuelle. Le massacre se poursuivant, l'espèce sera à terme menacée, car moins de jeunes parviendront à l'âge adulte, n'ayant aucune possibilité de se reproduire un jour !